Carine Lehmann, cheffe de projet pour le Cipret Jura et Neuchâtel, vous donne toutes les informations utiles pour mieux comprendre ce qu’est une puff, quels en sont les dangers pour les jeunes et comment on peut en devenir dépendant.
Bonne lecture
Le parcours de Carine en quelques mots…

Pharmacienne de profession, j’ai toujours été particulièrement intéressée par le domaine de la santé. Après avoir travaillé quelques années dans des pharmacies, puis à la société faitière des pharmaciens à Berne, j’ai bifurqué dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé en étant engagée à la Fondation O2 en 2014.
Depuis plus de 10 ans, je travaille dans le domaine de la prévention du tabagisme, dans le cadre du « Programme cantonal jurassien de prévention du tabagisme ». Pendant longtemps, les mesures de prévention dans ce domaine concernaient presque exclusivement la consommation de cigarettes de tabac. Mais, depuis quelques années, les activités menées dans le cadre du Cipret Jura se sont adaptées à l’arrivée d’autres produits nicotinés, comme les cigarettes électroniques (et plus particulièrement les puffs, ces cigarettes électroniques jetables très à la mode chez les jeunes), les snus (petits sachets de tabac qui se glissent entre la joue et les gencives) ou la chicha.
Je suis convaincue qu’il faut absolument informer et sensibiliser aux risques liés à la consommation de tous ces produits, en particulier les adolescents, mais aussi les parents, enseignants, professionnels de la santé, et la population dans son ensemble, afin d’éviter de créer une nouvelle génération de jeunes dépendants à la nicotine.
C’est quoi, une puff ?

Les puffs sont des cigarettes électroniques jetables. Elles sont prêtes à l’emploi et pré-remplies avec un « e-liquide » ; ce dernier est chauffé par une résistance et inhalé ensuite par le consommateur. Les liquides contiennent un mélange de glycérine et de propylène glycol, des arômes et, la plupart du temps, de la nicotine.
Les puffs sont conçues pour être utilisées jusqu’à ce que le liquide soit épuisé, après quoi elles doivent être jetées. Les puffs sont donc très problématiques au niveau écologique puisqu’elles finissent le plus souvent à la poubelle (quand ce n’est pas dans la nature) alors même qu’elles contiennent des composants plastiques, électroniques et chimiques (chaque puff contient une batterie).
Quels sont les dangers pour les jeunes s’ils consomment des puffs ?
Malgré leur premier abord peu dangereux et leurs arômes qui font penser à des confiseries, les puffs ne sont pas sans risque. En premier lieu, la nicotine présente dans la plupart des puffs crée une forte et rapide dépendance, en particulier chez les jeunes et très jeunes.
D’autre part, le contenu des puffs n’est pas anodin : certains e-liquides peuvent contenir des substances toxiques, irritantes ou cancérigènes, telles que des métaux lourds, des composés organiques volatils et des agents aromatisants qui peuvent être toxiques lorsqu’ils sont chauffés et inhalés. Les effets à long terme de l’utilisation des puffs (et des cigarettes électroniques en général) ne sont pas encore bien compris, car ces produits sont relativement nouveaux sur le marché.
L’utilisation des puffs doit donc être clairement déconseillée chez les jeunes.
Est-ce moins dangereux pour la santé de consommer une puff ?
Dans la famille des cigarettes électroniques, il faut distinguer les puffs, qui sont des dispositifs jetables, et les modèles de cigarettes électroniques rechargeables et réutilisables, qui peuvent être remplis avec du e-liquide et dont la batterie peut être rechargée plusieurs fois.
Les puffs, avec leurs arômes sucrés, leurs couleurs vives et leurs lumières clignotantes, ont clairement comme objectif de plaire aux jeunes, voire aux enfants. Ce sont donc de véritables pièges qui amènent les jeunes consommateurs vers la dépendance à la nicotine (et potentiellement, à l’utilisation de produits du tabac plus tard). De plus, comme mentionné plus haut, les puffs sont une aberration au niveau écologique.
Les puffs sont donc nocives autant pour la santé des jeunes que pour la santé de notre planète.
Concernant les modèles de cigarettes électroniques rechargeables, même si leurs effets à long terme ne sont pas connus, beaucoup d’experts pensent que leur consommation est moins dangereuse pour la santé que la consommation de cigarettes de tabac, qui est en soi extrêmement nocive. Ainsi, pour des fumeurs de tabac qui souhaitent arrêter totalement les cigarettes classiques, l’aide apportée par une cigarette électronique rechargeable peut être intéressante. Mais l’objectif final de cette utilisation devrait être l’arrêt à terme de la cigarette électronique, en diminuant petit à petit la concentration de nicotine dans le e-liquide.
Néanmoins, la consommation de cigarette électronique n’est pas sans danger, et est absolument déconseillée aux jeunes/enfants, aux non-fumeurs ainsi qu’aux anciens fumeurs !
Est-ce que 2% de nicotine dans une puff, c’est beaucoup ?
Même si le chiffre semble faible, ce pourcentage représente la concentration maximum légale de nicotine autorisé dans les e-liquides, soit 20 mg par millilitre. Malgré cela, il est malheureusement possible de trouver en Suisse des puffs encore plus fortement dosées en nicotine, ce qui accroît encore le risque de dépendance à cette substance (toutes les puffs contenant un liquide à une concentration en nicotine supérieure à 2% sont illégales).
Les puffs contiennent des « sels de nicotine », obtenus grâce à des transformations chimiques. Ces « sels de nicotine » permettent non seulement d’augmenter la vitesse d’absorption et d’action de la nicotine, mais également de la rendre moins irritante pour la gorge. Cette stratégie des fabricants de puffs ne fait qu’accroître le risque de dépendance à cette substance.
Est-ce qu’on peut devenir dépendant des puffs ?

Oui, on peut devenir rapidement dépendant aux puffs.
Cette dépendance est particulièrement forte et rapide chez les jeunes, dont le cerveau est encore en formation et donc plus sensible aux effets de la nicotine. La dépendance à la nicotine est extrêmement forte, comparable à celle de l’héroïne ou de la cocaïne. Lorsque qu’on inhale de la nicotine à travers les puffs, elle est absorbée dans la circulation sanguine et atteint rapidement le cerveau, où elle déclenche la libération de neurotransmetteurs associés au plaisir et à la récompense, comme la dopamine.
Pour les puffs sans nicotine, le risque de dépendance est également présent : par exemple, certaines personnes peuvent devenir psychologiquement dépendantes de l’acte de vapoter en associant cette activité à des moments spécifiques de la journée, à des situations sociales, ou à d’autres activités agréables. Dans ces cas, même en l’absence de nicotine, l’habitude de vapoter peut devenir un comportement répétitif et difficile à briser (dépendance psychologique et comportementale).
A partir de quel âge peut-on acheter une puff dans le Jura ?
Actuellement. Dans le Jura, il est interdit de vendre des puffs à des personnes mineures (comme c’est le cas pour toutes les cigarettes électroniques, pour le tabac et pour tous les produits similaires).
La remise aux mineurs est également interdite par la loi jurassienne, par exemple la vente d’une puff à une personne majeure s’il y a lieu de penser qu’il s’agit d’un moyen de contourner la limite d’âge prescrite, c’est-à-dire que la personne majeure s’en procure pour la remettre ensuite à une personne mineure.
A noter que le Parlement jurassien a décidé récemment d’interdire complètement la vente des puffs dans le canton. La loi sanitaire jurassienne sera ainsi adaptée en ce sens.
Que sont les actions menées par Cipret Jura concernant les puffs ?
Le Cipret Jura effectue des missions d’information et de sensibilisation, en particulier auprès des jeunes, mais aussi auprès des parents, des enseignants, des professionnels de la santé, etc. Beaucoup d’interventions sont effectuées dans les écoles, principalement dans les classes du secondaire I et du secondaire II, afin de sensibiliser les élèves aux risques liés à ces dispositifs.
Le Cipret Jura a également pour mission d’aider les personnes dépendantes à cesser leur consommation. Cela concerne les consommateurs de tabac (cigarettes, mais aussi snus par exemple) et aussi les consommateurs de cigarettes électroniques, dont les puffs.
Bon à savoir : cette aide à l’arrêt est gratuite pour les jeunes, ainsi que pour les personnes ayant des ressources financières limitées.
Comment les parents peuvent-ils discuter avec leurs enfants des dangers potentiels des puffs et les encourager à faire les bons choix pour leur santé ?
Il est important d’aborder le thème des puffs avec ses enfants, afin de les informer correctement des risques liés à ces produits. Un jeune correctement informé fera de meilleurs choix pour sa santé.
Avant d’ouvrir la discussion avec un jeune, les parents devraient se renseigner sur ces produits, afin de pouvoir transmettre des informations correctes. Concernant les puffs, le site vapefree.info, développé par l’Association suisse pour la prévention au tabagisme, est très complet et contient un onglet spécifique pour les parents.
La discussion avec son enfant devrait être menée avec bienveillance, sans jugement ou aspect moralisateur. Il faudrait aussi laisser le jeune parler et exprimer ce qu’il ressent par rapport à ces produits. Il est important néanmoins que les parents aient une attitude claire vis-à-vis de ces produits et déconseillent leur consommation.
Il peut être judicieux de ne pas uniquement se focaliser sur la nocivité (les jeunes ont souvent du mal à se représenter des effets qui arriveront plus tard), mais de parler aussi de la dépendance (devenir accro, c’est déjà maintenant), des coûts (acheter une puff à 9.- par semaine représente 470.- dépensés en une année), de l’aspect écologique, de la manipulation des jeunes par les fabricants qui cherchent à les rendre dépendants le plus rapidement possible, par exemple en utilisant des sels de nicotine, en payant des influenceurs sur les réseaux sociaux pour faire la promotion de leurs produits, etc.
Si le jeune est déjà dépendant de la puff, il pourrait être utile d’aborder les raisons qui l’on amené à cette consommation, de stimuler sa réflexion sur les mécanismes liés à sa consommation (quels sont les aspects positifs et négatifs que le jeune retire de la puff ?), et de l’aider à développer ses propres ressources pour remplacer ce produit. Certains sites de soutien et d’échanges entre jeunes peuvent aussi être une aide, comme ciao.ch, ontecoute.ch ou stop-tabac.ch.
Le Cipret Jura se tient aussi à disposition pour toute information sur les produits contenant de la nicotine, pour soutenir les parents et pour aider les jeunes qui souhaitent arrêter de consommer des puffs ou d’autres produits nicotinés.