Les liens entre le stress et santé mentale  

Les notions de stress et de santé mentale sont utilisées de manière courante, tant dans la presse, les réseaux sociaux, que dans nos échanges privés ou professionnels. Intuitivement, nous savons que « trop de stress » aura un impact sur nos comportements et notre capacité à nous sentir bien.

En même temps, nous sommes incité∙e∙s à « ne pas nous écouter », à « serrer les dents » et à montrer que, malgré des situations difficiles au travail (délais serrés, collègues irritables, situation économique défavorable) et dans notre vie privée (difficultés économiques, familiales et santé), nous sommes capables de fournir un effort constant, voire supplémentaire pour satisfaire aux exigences de notre employeur ou entourage.

Nous allons ainsi tenter de montrer dans cet article de blog en quoi notre intuition relative au stress peut se montrer utile pour rester en santé physique et mentale.  

Seo-galaxy-yushnkbhf3q-unsplash Fondation O2

Le stress, de quoi parle-t-on ? 

Le concept de stress a été développé en 1936 par Hans Selye, chercheur d’origine Autrichienne et professeur à l’Université de Montréal. Selye constatait que chez les malades qu’il visitait à l’hôpital, ils∙elles présentaient tous∙tes de mêmes symptômes, quelle que soit l’atteinte dont ils∙elles souffraient. Après de nombreuses recherches, Hans Selye en est venu à définir le stress comme une réponse spécifique de notre corps à des conditions non-spécifiques. En d’autres termes, quand notre corps est soumis à une attaque, une situation qui constitue une menace pour son intégrité physique et psychique, il va produire une réponse qui sera toujours la même. Il est important de souligner que la réaction de notre corps à une attaque est automatique et se déclenche en quelques millisecondes.   

Par la suite, Lazarus et Folkman nous ont permis, en 1984, de mieux comprendre le mécanisme du stress et de notre manière de réagir en toutes situations. Selon ces chercheurs, nous évaluons toute situation en fonction de trois filtres :  

  1. La situation constitue-t-elle un défi ou une menace ? 
  2. La situation est-elle maitrisable ou non-maitrisable ?  
  3. Avons-nous suffisamment de ressources pour y faire face ?  

Bien évidemment, nous ne nous posons pas consciemment ces trois questions, mais nous sommes capables, en quelques millisecondes, de réaliser cette évaluation nécessaire à notre survie.  

En évaluant toute situation potentiellement dangereuse de manière automatique, nous sommes capables de réagir très rapidement en cas d’attaques qui pourraient mettre notre vie en danger. Le stress a donc une fonction de survie, comme chez tous les organismes vivants. En cas de menace, notre système nerveux sympathique s’active : notre cerveau va donner l’ordre à nos glandes surrénales de sécréter de l’adrénaline, afin d’augmenter notre rythme cardiaque et notre pression artérielle, notre température corporelle, notre acuité visuelle et auditive, et de stopper les mécanismes qui ne sont pas nécessaires durant la crise, comme la digestion. Nous allons également sécréter du cortisol, nous permettant de faire face à l’adversité à plus long terme, en réduisant notre sensibilité à la douleur et la fatigue. Ainsi, nous sommes prêt∙e∙s à réagir selon les « 3 F » : Fight (combattre), Flight (fuir) ou Freeze (se figer). Notre but dans les moments de stress est de survivre en éliminant la source du stress. Une fois le danger passé, le système parasympathique prend le relais pour calmer l’organisme et restaurer l’équilibre. 

Les réactions de stress dont nous faisons l’expérience n’ont pas changé depuis les débuts de notre espèce il y a 300’000 ans, malgré le contexte dans lequel nous évoluons aujourd’hui. Un∙e supérieur∙e hiérarchique qui maltraite un∙e collaborateur∙trice, un parent qui néglige son enfant, un∙e élève qui se fait railler par ses camarades ou professeur∙e∙s, pourront générer la même réaction que si l’on se fait attaquer par une bête féroce, que nous sommes victimes d’une blessure ou d’une hémorrage interne, ou que l’on a à faire face à une guerre ou des événements météorologique extrêmes. Les réactions automatiques et physiologiques ne diffèrent pas, qu’il s’agisse d’une situation qui porte atteinte à notre intégrité physique ou psychologique.

Selon certains chercheurs, les situations qui mettent en péril nos relations produiraient davantage de stress que les situations de catastrophes climatiques, et la durée de la situation générant du stress est déterminante.

Quand le stress s’installe dans la durée  

L’espèce humaine est très bien équipée pour réagir à l’adversité : nous pouvons faire face aux contraintes de manière répétée. En revanche, nous avons besoin de répit et de récupération, notamment durant la nuit, pour affronter notre quotidien. Si la situation qui nous a procuré du stress a été solutionnée, notre cerveau va donner l’ordre à nos glandes surrénales de stopper la production des hormones qui nous ont permis de la surmonter. Cependant, si malgré toute l’énergie que nous avons déployée, la situation reste une menace, la production du cortisol se poursuit. Nous allons donc prolonger cette situation d’alerte, le cortisol continuant ainsi à réduire notre sensibilité à la douleur et à la fatigue. Si l’alerte devait se prolonger encore, le cortisol que nous sécrétons devient toxique, et malgré l’insensibilité à la fatigue, entrainant une dégradation de la qualité de notre sommeil, nous nous épuisons. Les répercussions vont également se faire sentir sur l’humeur, l’hypervigilance générant de l’anxiété et de l’irritabilité.

Et si, malgré tout, la situation de menace perdure, un sentiment d’impuissance peut s’installer, produisant un retrait social, des sentiments dépressifs et même des idées suicidaires. Le système immunitaire pourra également se péjorer, entraînant une sensibilité accrue aux affections microbiennes ou virales. En d’autres termes, nous sommes programmé∙e∙s pour faire face à des dangers importants, mais contrairement à nos ancêtres qui surmontaient les aléas de la vie ou périssaient, nous avons à faire face à des situations potentiellement longues, et pour lesquelles nous pouvons nous sentir dans l’impossibilité d’agir pour les surpasser. 

Le stress tout au long de la vie et ses effets sur la santé 

Des réactions de stress se manifestent tout au long de la vie, de la période intra-utérine, jusqu’à la vieillesse avancée. Les chercheurs se sont penchés sur les répercussions de stress intense et prolongé en fonction de l’âge de survenue, et ont remarqué qu’il peut affecter durablement différentes zones du cerveau, cela étant dépendant du stade de son développement. En effet, les structures du cerveau ne se développent pas toutes en même temps.  

Si les tout petits enfants se trouvent en situation d’extrême précarité ou de grandes négligences psychoaffectives, il est probable que le stress occasionné puisse toucher les structures liées à la mémoire, en plein développement à cette période de la vie. De plus, la manière d’être en relation avec les autres sera probablement influencée durablement par les événements stressants, voire traumatisants qui ont été vécus précocement. 

Chez les adolescent∙e∙s, un stress intense et prolongé peut affecter la capacité à réguler les émotions et l’humeur durablement. Cette période de la vie étant connotée par beaucoup de stress lié aux changements biologiques, psychologiques et sociaux, peut devenir critique par du stress supplémentaire, provoqué par des situations scolaires ou familiales difficiles. Le stress peut provoquer des dommages aux liaisons entre les structures limbiques, responsables de la mémoire et des émotions, et le cerveau préfrontal, responsable de la prise de décision, de la rationalité et de régulation des émotions. Ainsi, beaucoup de stress à l’adolescence peut provoquer de l’anxiété et des troubles de l’humeur, comme la dépression.  

A l’âge adulte, le stress chronique peut entraîner des répercussions tant sur l’humeur – burnout lié au travail ou burnout parental, anxiété, dépression, que sur la santé physique, comme des troubles musculosquelettiques et des maladies cardiovasculaires ou liées au système immunitaire.  

Enfin, à un âge avancé, le stress prolongé aura un impact sur toutes les structures vieillissantes, notamment sur le cerveau, et aurait une incidence sur le déclenchement de maladies dégénératives, comme la maladie d’Alzheimer.  

Nous pouvons utiliser la célèbre phrase de Paracelse, professeur de médecine à l’Université de Bâle, qui au XVIème siècle déjà, décrivait qu’un composant chimique devient toxique, en fonction du dosage, pour décrire les effets tant positifs que négatifs du stress sur notre organisme. Le mécanisme du stress nous sauve la vie tous les jours : il nous permet, par exemple, de faire un bond en arrière lorsqu’une voiture fonce sur nous, ceci de manière totalement automatique. Il nous permet également de réaliser des défis pour lesquels nous sommes motivé∙e∙s, en nous donnant un surcroit d’énergie. En revanche, comme nous pouvons en avoir l’intuition, trop de stress tue ou rend malade

Il est important à prime abord d’évaluer notre niveau de stress en prenant en compte des répercussions qu’il peut avoir sur notre bien-être et notre santé. Nous pouvons ainsi observer la qualité de notre sommeil (Est-ce que je dors suffisamment ? Est-ce que je dors bien (nombreux réveils, cauchemars, sommeil non-réparateur, etc. ?), la qualité de notre système digestif (appétit, digestion et transit) et la qualité de notre système cardiaque (palpitations, tension artérielle). Si ces fonctions vitales sont affectées, il est important de se rendre sans attendre chez son médecin.  

Des douleurs musculaires et articulaires ou des maux de tête peuvent également servir de signal d’alarme. Dans ce cas, il est nécessaire de pouvoir remettre en question la manière dont nous effectuons nos activités et de prévoir des pauses durant lesquelles nous avons l’occasion de bouger et détendre nos muscles. En effet, le stress a pour fonction primaire de nous mettre en mouvement pour éviter les dangers. En mobilisant nos muscles, nous donnons à notre cerveau une information cohérente.  

Notre respiration peut également nous fournir des informations sur notre niveau de stress. En étant conscient∙e∙s de notre respiration, nous pouvons la réguler et éviter les apnées liées aux facteurs de stress. Des exercices de cohérence cardiaque ou de méditation de pleine conscience peuvent nous aider dans cette démarche. 

De la même manière, la qualité des relations que nous entretenons avec notre entourage est souvent impactée par un stress intense et prolongé, en augmentant notre irritabilité ou notre motivation à participer à la vie sociale. Les relations, qu’elles soient privées ou professionnelles ont besoin d’être soignées. Si par épuisement nous ne parvenons plus à fournir l’énergie nécessaire à nos relations, il est important de pouvoir demander de l’aide à notre entourage ou à un∙e professionnel∙le de la santé.   

Enfin, si les situations stressantes entrainent du désespoir, car nous ne trouvons pas de solutions, nous nous sentons totalement impuissant∙e à modifier la situation et que nous envisageons même de mettre fin à nos jours, il devient urgent de consulter un médecin ou un service d’urgences psychologiques ou médicales.  

Dans les années 1970, le chercheur Mihály Csíkszentmihályi et ses collègues de l’Université de Chicago ont mené une large étude sur la manière dont les personnes utilisent leur temps et comment elles perçoivent ce qu’elles font. Toutes les données récoltées dans cette étude ont permis la conception d’un modèle du flow, ou expérience optimale. Ainsi, on parle d’expérience optimale quand, dans nos activités, nous ressentons un état de bien-être, car nos compétences nous permettent de relever un défi dont l’exigence est suffisamment importante, mais ne dépasse pas largement nos possibilités. Si une tâche nécessite un état de tension trop important, nous serons inquiets∙ètes, voir anxieux∙ses. En revanche, une tâche pour laquelle nos compétences sont trop élevées engendrera de l’ennui, voire de l’inquiétude. Il est important de réaliser que l’ennui qui découle de ce type de situation entraine la même réaction physiologique qu’un état de stress, avec les mêmes conséquences.  

Modèle Flow Fondation O2
Source: modèle de Csikszentmihalyi (1990) adapté par cours Thalès.

Le flow, ou l’expérience optimale, nous pouvons l’expérimenter chaque jour, tant dans notre vie privée que professionnelle : le temps semble s’arrêter quand nous sommes pris par une activité dans laquelle nous nous sentons compétent∙e∙s ; nous sommes absorbé∙e∙s et dans un bien-être quand nous éprouvons un sentiment de contrôle sur la tension générée par les attentes et défis du quotidien. L’état de stress est nécessaire et nous permet cela. Par exemple si nous nous retrouvons au sommet d’une piste de ski, l’expérience de la descente sera déterminée par notre niveau de compétences et la difficulté de la piste.  

En conclusion, il est nécessaire de pouvoir doser et contrôler la quantité d’exigences et d’attentes imposée par notre entourage ou par nous-mêmes pour nous sentir en sécurité et rester en santé physique et mentale. Malgré les difficultés et défis du quotidien, nous avons l’obligation de retrouver une forme d’équilibre et de répit pour pouvoir repartir de plus belle et réaliser les actions qui nous nous tiennent à cœur. 

Heutte, J. (2019). Chapitre 3. Le flow: la psychologie de l’expérience optimale. Dans J. Heutte, Les fondements de l’éducation positive. Perspective psychosociale et systémique de l’apprentissage (pp.153-233). Dunod 

Lazarus R. S. et Folkman S. (1984). Stress, appraisal and coping, Springer, New York. 

Lupien, S. J., McEwen, B. S., Gunnar, M. R., & Heim, C. (2009). Effects of stress throughout the lifespan on the brain, behaviour and cognition. Nature reviews neuroscience, 10(6), 434-445. https://doi.org/10.1038/nrn2639  

Lupien, S. (2015). L’histoire de la science du stress: de Hans Selye à la découverte des anti-inflammatoires. Santé mentale au Québec, 40(2), 275-286. https://doi.org/10.7202/1033056ar 

Stephanie_doriot Fondation O2

Stéphanie Doriot

Cheffe de projet – Santé au travail