Points forts de la formation santépsy.ch animée par Marie Israël, psychologue spécialisée en santé communautaire et formatrice.
Santépsy.ch a créé une campagne de promotion de la santé mentale en s’intéressant aux phases de vie comportant des transitions et des changements importants ayant un impact sur la santé mentale, telles que l’adolescence, le passage à la parentalité ou encore à l’emploi. Le passage à la retraite et le vieillissement sont également des moments de vulnérabilité en matière de santé mentale car ils impliquent des changements (ex. baisse du revenu) et de nombreuses transitions (physique, sociale, de logement etc.) nécessitant une adaptation de la part des personnes qui les vivent.
La formation santépsy.ch sur la santé mentale des seniors, animée par Marie Israël et organisée par la Fondation O2, a réuni le 23 avril dernier une diversité de personnes qu’elles soient bénévoles, proches aidantes, professionnelles de la santé et du social ou parfois même tout cela à la fois.
Cette formation a été l’occasion de se questionner sur le caractère subjectif des facteurs qui contribuent à la santé mentale, de nuancer notre vision de cette dernière et de partager en petits groupes nos réflexions et pistes d’action à partir de situations concrètes.
Tout d’abord…voir la santé mentale autrement
Le modèle du double continuum de la santé mentale permet d’aller dans ce sens. Schématisé sur 2 axes, il distingue la maladie psychique du bien-être psychique. Ainsi, on peut tout à fait ressentir un faible niveau de bien-être psychique tout en ne présentant pas de maladie psychique. A l’inverse, on peut également être atteint·e d’une maladie psychique tout en ressentant un niveau élevé de bien-être psychique. Cette manière d’envisager la santé mentale permet de dépathologiser certaines réactions « normales » face à des événements de vie difficiles mais aussi de ne pas réduire les personnes à leur diagnostic psychiatrique. Le bien-être psychique et les diagnostics psychiatriques bougent et évoluent au fil du temps !
Prendre soin de sa santé mentale et se rétablir
Si la santé mentale fluctue au fil du temps, cela veut également dire que l’on peut en prendre soin. On peut ainsi s’intéresser à ce qui produit de la santé, ce que l’on appelle aussi la salutogénèse. Comprendre ce qui se passe, avoir confiance en ses ressources (internes et externes) et en la possibilité de pouvoir rester acteur·rice de la situation, pouvoir être complètement soi et rester fidèle à ses valeurs sont des éléments qui participent à une bonne santé mentale.
Et même lorsque la santé mentale a été atteinte, le rétablissement (et non la guérison) est possible. Patricia Deegan, psychologue mais également rétablie d’un trouble psychique, définit le rétablissement comme:
« un processus et non un point final ou un résultat. Se rétablir ne veut pas dire que l’on est » guéri » ou simplement dans un état stable. Le rétablissement est un processus de transformation au cours duquel on accepte ses limites et découvre en soi tout un potentiel de nouvelles possibilités. »
Se rétablir ne signifie donc pas retrouver son état d’avant la maladie psychique, mais plutôt de progressivement intégrer cette vulnérabilité à son identité sans que celle-ci ne prenne toute la place, tout en percevant et accueillant les nouvelles possibilités auxquelles cette vulnérabilité ouvre.
C’est quoi un vieillissement « normal » ?
Nous avons généralement une vision irréaliste du vieillissement cérébral qui considère le vieillissement normal comme une absence de vieillissement. Or, il est tout à fait normal de connaître des difficultés cognitives liées à l’âge sans que cela ne soit forcément pathologique. Ainsi, il faut être prudent·e avec les termes que l’on utilise pour décrire les difficultés cognitives d’une personne et éviter d’employer le terme de « démence » qui porte une lourde connotation négative. N’oublions pas que les diagnostics sont des outils pour les professionnel·le·s de la santé, qui certes peuvent apporter une compréhension de certaines difficultés, mais qui employé en dehors du cadre médical peuvent impacter les compétences cognitives de la personne. En tant que non-professionnel·le·s gardons-nous donc d’utiliser ces termes et n’oublions pas que l’identité d’une personne ne se résume pas à un diagnostic !
De nombreux éléments vont influencer le fonctionnement du cerveau tout au long de la vie (biologiques, génétique, sociaux, relationnels, psychologiques, mode de vie etc.) sans qu’aucun de ces éléments ne soit déterminant à lui seul. Au lieu de ne se concentrer que sur les difficultés, il est crucial d’identifier les ressources que la personne possède dans chacun de ces domaines pour contrebalancer les difficultés. Si nous avons tous des difficultés, nous avons aussi tou·te·s des ressources sur lesquelles s’appuyer !
Un facteur d’influence méconnu mais puissant sur les compétences cognitives des personnes âgées sont les stéréotypes que nous avons sur le vieillissement. En effet, le stress engendré par des stéréotypes négatifs sur le vieillissement peut affecter l’attention et la mémoire, confirmant par la même le stéréotype. C’est donc un cercle vicieux qui peut influencer la manière dont nous allons vieillir !
Pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, surmonter la stigmatisation est d’ailleurs un élément qui leur permet de garder le moral malgré leurs difficultés cognitives. Avoir des relations significatives, être optimiste et avoir des projets, trouver un sens à sa vie et avoir du contrôle sur cette dernière y contribuent également.
Quelle posture adopter face au vieillissement d’un·e patient·e ou encore d’un·e proche ?
La posture des professionnel·le·s mais également des proches et des bénévoles entourant ces personnes est donc déterminante. En regardant au-delà du diagnostic et en considérant la personne dans ce qu’elle a été avant ses difficultés cognitives permet d’humaniser la relation d’aide et les soins prodigués. De la même manière, chercher à donner du contrôle au quotidien (par exemple donner le choix entre deux vêtements) contribue à la santé mentale des personnes atteintes de troubles cognitifs. Cela nécessite bien entendu d’être soi-même en bonne santé mentale et de se trouver dans un environnement suffisamment soutenant (par exemple les conditions de travail).
Quels sont les signaux d’alerte ?
En tant que proche, bénévole ou encore professionnel·le, il est important de se faire confiance. Vous connaissez la personne et êtes capable d’identifier les éléments suivants :
- Observez-vous un/des changement(s) ?
- Depuis combien de temps ? (une semaine doit déjà attirer votre vigilance)
- A quelle intensité ?
- Ce changement génère-t-il une souffrance ?
- Certaines activités habituelles et sociales sont-elles rendues difficiles ?
- Avez-vous observé plusieurs manifestations (physique, cognitive, comportementale, perceptive) ?
- Ce changement pourrait-il être expliqué par plusieurs hypothèses ?
N’oubliez pas que c’est par rapport à l’autre que vous cherchez ces critères. Ainsi, si la personne a toujours apprécié la solitude et se satisfait d’une vie sociale peu mouvementée, cela n’est pas le signe d’un retrait social.
De plus, ces indications devraient vous permettre de vous mettre en action et de réagir si la situation le nécessite, mais elles ne suffisent pas pour poser un diagnostic et d’ailleurs ce n’est pas votre rôle.
Finalement, ne restez jamais seul·e dans une situation de détresse. Le travail en réseau est très important et sera déterminant dans la qualité de vie de la personne ! Chaque acteur·rice a un rôle à jouer dans la compréhension de la situation et la mise en commun des informations permet de considérer la personne et sa situation dans toute sa complexité !