L’alimentation durable, une alimentation de proximité 

Avant que les avions ne fassent s’envoler nos bananes ; avant que les chalutiers ne pêchent des poissons d’autres mers ; avant que les camions n’emmènent les tomates méditerranéennes pour un long road tripL’être humain savait se nourrir durable. A sa disposition ? Ce que lui ou ses voisins cultivaient, élevaient, fabriquaient. Ce que la nature alentour lui offrait ou permettait. En résumé : une nourriture de proximité.

Retour en 2025. A l’ère de toutes les possibilités, se nourrir durable signifie notamment privilégier autant que possible le local. Savoir cuisiner et apprécier les fruits et légumes qui poussent ici, choisir de la viande issue d’animaux élevés par l’agriculteur ou l’agricultrice du village ou encore tester les produits variés confectionnés par des passionnés.es du coin. S’alimenter dans une optique de durabilité n’est pas un retour en arrière ; c’est une conscience des réalités du présent et des contraintes du futur.

En Suisse, environ 30% de l’impact environnemental est dû à l’alimentation, avant le logement (24%) et la mobilité (12%).

meschoixenvironnement.ch

Plusieurs dimensions construisent la durabilité : la saisonnalité des produits, leur bilan énergétique et écologique, les conditions sociales de fabrication, notamment, pour ce qui est du bon sens collectif. Pour l’individu importent la santé, le porte-monnaie, la convivialité. Consommer des produits jurassiens c’est investir dans des modes de production pérennes, c’est soutenir des initiatives menées par nos proches, c’est se nourrir d’aliments qualitatifs.

Zoom sur trois perles colorées qui poussent sur nos terres : d’abord leurs histoires, leurs origines et leur arrivée dans le Jura, pour rassasier notre curiosité. Puis en cuisine ! Pour satisfaire nos estomacs.

La lentille, le pois chiche et le damasson ont un point commun… saurez-vous le deviner ?

Ils sont (ou seraient !) tous trois originaires du Proche Orient, Syrie/Turquie, région aussi appelée le Croissant fertile

Les lentilles

La petite histoire

Minus, mais tellement costaude !

La lentille est LA plus ancienne légumineuse cultivée dans le monde. Son origine remonterait au néolithique, c’est-à-dire il y a 10’000 ans. Fer, protéines, fibres, vitamines et minéraux se concentrent dans cette toute petite légumineuse super rassasiante qui a traversé les âges.

Le défi du triage

Au début du 21e siècle la politique agricole suisse promeut les cultures associées, qui présentent de nombreux avantages mais posent le souci du triage. Planter par exemple orge et pois, ou lentilles et caméline c’est super ; les séparer, trier, sécher c’est galère, voilà ce que dit en substance Ignace Berret, manager à la Société coopérative de Courtételle et environs, qui y voit alors une opportunité et s’équipe de cribles de plusieurs tailles. Depuis 2021, les machines de triage font un job encore plus fin et le Centre s’occupe désormais du conditionnement de ce type de cultures de Laufon à Fribourg, raconte le responsable. Aujourd’hui on y trie plus de quarante sortes de graines différentes.

« Avec notre adaptabilité et notre matériel de triage, on essaie d’être un catalyseur d’innovation agricole, en offrant la possibilité à toutes et tous de semer ce qu’elles et ils veulent : au bout quelqu’un est disponible et capable de trier. »

Ignace Berret, manager à la Société coopérative de Courtételle et environs

De mille couleurs

  • La lentille verte est la plus courante en Europe – c’est la polyvalente de l’équipe
  • La lentille corail ou rouge, a pour spécificité de cuire rapidement – elle est celle dont le cœur est tout tendre. On peut obtenir à la cuisson une texture proche d’une purée qui facilite par exemple la confection de galettes
  • La lentille noire ou Beluga est surnommée le « caviar végétal » – madame est la plus chic, et sa texture reste croquante
  • Les lentilles jaunes et brunes sont les douces ; leur saveur est légèrement sucrée

Le vaste pré, avec Ignace Berret, Kilomètre Zéro

La lentille est très riche en protéines et facile à valoriser 

Si la culture de la lentille dans le Jura est millénaire, elle est à un moment tombée en désuétude, raconte Ignace Berret, manager à la Société coopérative de Courtételle et environs, qui chapeaute au cœur du village l’épicerie Kilomètre Zéro. Toutes les conditions pour que s’épanouisse cette perle sont remplies dans le Jura, assure-t-il, convaincu, tout comme les agriculteurs et agricultrices qui ont franchi le pas qu’elle apporte une complémentarité au paysage des cultures et de l’élevage.

« Elle pousse bien. Assez facilement et un peu partout. La lentille est très riche en protéines et facile à valoriser. »

C’est depuis la région lausannoise, météorologiquement plus clémente, que la petite légumineuse a fait son grand retour dans nos champs.

Communiqué De Presse Fondation O2

Le très grand superpouvoir de la lentille et de toutes les légumineuses, c’est une capacité à rendre disponible pour les autres cultures l’azote présente dans le sol (l’azote est un nutriment capricieux qui ne se libère pas facilement). Ainsi elles évitent le recours à des engrais azotés coûteux. Elles favorisent aussi une certaine résilience globale, nécessaire face au réchauffement climatique déjà largement amorcé qui s’exprime non seulement par la sécheresse, mais aussi par la récurrence de maladies dans les troupeaux. S’il est partisan d’un système agricole équilibré entre culture et élevage, particulièrement dans un Jura qui s’y prête bien, Ignace Berret souligne tout de même « qu’on ne peut pas avoir un système agricole suisse uniquement basé sur le lait et la viande. »

Il ajoute : « En termes d’autonomie alimentaire on est plus forts si on réussit à cultiver des légumineuses ici que si on doit importer du maïs et du soja de l’étranger. »

On a bien compris que dans les champs, la lentille à tout pour plaire. Dans nos assiettes, idem ! La lentille est particulièrement intéressante par ses nombreux apports, notamment de protéines. On en revient à la terre avec Ignace Berret, qui souligne que cette disponibilité instantanée de la protéine est un grand avantage qui la rend durable. En effet, la production de la lentille et de toutes les légumineuses est moins énergivore, donc plus économique et écologique.

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Photo d’Ignace Berret, Quotidien Jurassien

La belle assiette

Si dans nos contrées la lentille est traditionnellement associée à des plats de viande fumée, il est simple de la glisser dans bien d’autres préparations pour en augmenter la teneur en nutriments. Par exemple, elle se fera discrète aux enfants et aux plus réticents en se plongeant dans une soupe aux légumes. Mixée, elle est indétectable et elle apporte du velouté !

Pour les pressés, la lentille peut se cuisiner express et sans trop de chichis. En Inde, elle a son plat à part entière qu’on appelle le dahl. Végétarien, nourrissant, réconfortant : le dahl coche toutes les cases de la durabilité. Il suffit de cuire les lentilles (corail dans l’idéal si le temps est compté, car elles seront tendres plus rapidement) et de les agrémenter de ce qui vous fait plaisir. Lait de coco, concentré de tomates, curry, ail, épices diverses… Une bonne base pour laisser s’exprimer la créativité.

La lentille peut être le cœur du repas tout comme un accompagnement de choix. La cuisiner en salade, c’est aussi une option qui permet de l’associer à d’autres aliments gourmands : des œufs durs, de la fêta, des carottes râpées, des noix, des herbes fraîches etc.

Carte Postale - Lentilles 2025 (1) Fondation O2

Retrouvez notre recette « Fourchette verte Jura » de potée de lentilles aux légumes de saison et de la région.

Les pois chiches

La petite histoire

Prédestiné à être jurassien, ce bélier !

Cicer arietinum, doux nom latin du pois chiche, renvoie à son apparence de tête de bélier. Une racine latine qui le prédestinait à s’installer dans notre canton !

Toxique tout sec

Le pois chiche sec, comme d’autres légumineuses, contient des substances toxiques. Pour s’en débarrasser : le trempage. Plus il trempe, plus il est facile à digérer. L’eau de trempage doit être changée régulièrement et ne pas servir à la cuisson.

La belle assiette

Le pois chiche invite à explorer la cuisine orientale. Il est l’aliment par excellence de préparations riches, parfumées et savoureuses telles que le houmous ou les falafels. Il est bien sûr aussi un incontournable des plats de couscous. Mais le roi pois chiche sait aussi se faire discret pour distiller ses bienfaits. Son super pouvoir ? La transformation en farine, tout en conservant ses qualités entières : protéines, fibres, magnésium, zinc et fer. La farine de pois chiche remplace la farine classique pour des recettes connues et éprouvées telles que les crêpes. Une alternative au top pour les intolérants.es et allergiques au gluten – en revanche, elle n’est pas indiquée pour les produits de boulangerie qui doivent lever.

Cp - Pois Chiches Fondation O2

Retrouvez notre recette « Fourchette verte Jura » de houmous à la betterave rouge.

Le damasson

La petite histoire

Dans les besaces de Croisés ?

Jurassien, le damasson ? En douter, il n’en est point question ! Ce petit fruit et son eau-de-vie sont les ambassadeurs de notre région. Pourtant, le simple nom de damasson évoque une ville du Moyen-Orient. Notre prunette du terroir serait donc une migrante originaire de Damas, arrivée sous forme de noyau dans les besaces des Croisés. Ce serait plus spécifiquement un curé de Charmoille ou Saint-Bernard de Clairvaux qui aurait ramené la belle, au XIIe siècle.

Alain Perret, gérant d’Ô Vergers d’Ajoie et ancien président de l’interprofession de la damassine nous raconte, en direct de son magasin du terroir à Coeuve, cette légende.

source : https://www.damassine.com/fr/histoire-du-produit#:~:text=Les%20origines,districts%20du%20canton%20du%20Jura

Ignace_2_lentilles (2) Fondation O2

Le vaste verger

L’Ajoie est intimement liée à la petite prune. Au-delà des légendes, un document, un vrai, atteste de sa présence sur ce territoire au XVIIIe siècle ; Grandfontaine, 1780, un procès-verbal prétend que des maraudeurs sont venus en voler dans le verger de la cure. Les paysans de la région ne faisaient guère cas de ce buisson et le damasson était un fruit comme un autre. Tout change il y a une trentaine d’années, avec la possibilité d’obtenir une AOP ou AOC sur des produits autres que du vin. Il s’agissait dès lors de mettre en valeur des produits anciens – le canton y a vu une belle opportunité. A cette époque, on appelle le fruit damassine, mais… Alain Perret nous explique pourquoi damassine et damasson, ce n’est pas kif-kif !

Damasson_2 Fondation O2

C’est au milieu des années 1990 qu’Alain Perret, producteur de fruits de table, se dirige tout naturellement vers d’autres fruits que les pommes et les poires. Un verger de damassiniers est alors planté avec pour vocation de produire de l’eau de vie. La fameuse damassine, que l’on ne présente plus, et qui a construit l’identité d’une région. L’Ajoie en effet est intimement reliée à cette petite prune et l’homme tient à rappeler que ce n’est pas qu’une affaire de goût, mais aussi et surtout, de peuple. En effet, si les Croisés ont essaimé des noyaux sur tout un chemin, offrant ainsi à plusieurs régions des petites prunes apparentées, il n’y a que dans le Jura qu’elles ont ce goût inimitable… Le spécialiste nous explique pourquoi, et surtout pourquoi le damasson est jurassien uniquement !

Damasson_3 Fondation O2

Durable le damasson, il l’est par son aspect hyper local et les infinies possibilités de transformation qu’il offre. Il participe aussi diversifier les vergers et donc à en augmenter la résilience.

Et Alain Perret souligne pour terminer que « dès le moment où vous transformez un produit dans sa région d’origine, vous créez de l’emploi. 

La belle assiette

Depuis belle lurette le peuple jurassien a exploré les potentialités de cette petite prune que le monde nous envie, jusqu’à en fabriquer de l’eau de vie. Le damasson se prête à toutes les préparations sucrées que l’on réalise habituellement avec des fruits : tartes, clafoutis, compotes, bien sûr les confitures, glaces etc.

Cp Damasson 2025 (1) Fondation O2

Retrouvez notre recette « Fourchette verte Jura » de mocktail avec du sirop de damasson de la région

Quel est la particularité de la récolte de damassons ?

Ils ne se cueillent pas, ils se ramassent quand ils tombent de l’arbre. Les damassons sont récoltés à pleine maturité, de juillet à septembre ; cela se joue à quelques jours. Des filets ou des couvertures sont souvent disposés sous les arbres pour recueillir les fruits et éviter qu’ils ne s’abîment. Ainsi les damassons ne se gardent pas et nécessitent d’être transformés très rapidement. C’est notamment la raison pour laquelle de nombreux propriétaires ont (eu) recours à la mise en tonneaux pour ce fruit spécifiquement ; ainsi est née la damassine.

La boîte à outils pour favoriser une alimentation plus durable :

Information sur la pyramide alimentaire

Les guides du WWF

Food waste

Calculez l’impact environnemental et l’équilibre nutritionnel de ce que vous mangez

Fini le gaspi ! Que faire avec vos restes de cuisine ?